
ISBN : 9782296137318
LE BONIMENTEUR COMME PERSONNAGE DOCUMENTAIRE DANS FALKENAU, VISION DE L' IMPOSSIBLE
Martin Goutte, Université Lumière Lyon 2
Qu'en est-il de la figure du bonimenteur lorsqu'elle intègre le champ
même des images ? C'est ce déplacement qu'illustre notamment
Falkenau, vision de l'impossible (1988), où le cinéaste Emil Weiss
convoque son homologue et maître Samuel Fuller pour présenter et
commenter en direct le premier film que ce dernier tourna en 1945,
lorsque sa division libéra le camp de Falkenau. Le dispositif bonimenté
que Weiss met en place interroge les usages du documentaire historique
en se situant à la jonction de ses principales figures rhétoriques que sont
d'une part le montage d'archives commentées et d'autre part le
témoignage filmé. Le film met d'abord en évidence la valeur spécifique
d'un point de vue expérientiel sur les images, à l'antithèse du point de vue
omniscient généralement adopté par les commentaires en voix-over. La
confrontation d'un film et d'une parole également inédits accentue la
dimension d'épreuve propre à tout témoignage, en même temps qu'elle
soutient la valeur probatoire des images par la restitution de leur contexte
de production. Ce film souligne aussi l'ambivalence d'un statut où le
témoin bonimenteur est progressivement et comme inexorablement
constitué en une figure d'expert. Cette dernière montre rapidement ses
limites lorsque les images à commenter ne relèvent précisément plus de
l'expérience du témoin, mais d'une illustration plus globale de l'histoire
et des usages qui purent être faits des images des camps, notamment lors
du procès de Nuremberg.