
ISBN : 9782296059726
LES ÉLITES HAÏTIENNES : COMPOSITION ET STRATÉGIES DE POUVOIR
Louis Naud Pierre Université du Québec à Montréal
Dans la littérature sociologique portant sur Haïti, le terme "élite" est
utilisé pour désigner les descendants des affranchis, noirs et mulâtres1, se
retrouvant dans une position prééminente dès l'effondrement du système
esclavagiste colonial en 1791, date de l'insurrection générale des esclaves
entraînant la fuite massive de colons. Cette littérature est articulée autour de
l'École historico-anthropologique et de l'Écolemarxiste. Les tenants de la première
École insistent sur le caractère héréditaire de cette étiquette qui ne doit
rien aux efforts personnels ou à l'"excellence"2 des individus eux-mêmes,
mais à leur naissance. Pour eux, il s'agit là d'une survivance du passé esclavagiste
colonial qui a une double traduction : l'importance de la couleur de peau
constituant un obstacle majeur au développement des liens intimes entre les
membres des deux factions ; le "mimétisme culturel" prenant la forme d'une
doxa politique qui renferme le référent autochtone (vaudou, créole, modes de
vie des couches populaires, etc.) comme archaïque, voire comme barbare.
Ce phénomène est perçu comme une certaine forme de renoncement à soi
en faveur de l'absolument Autre, le Blanc, qui culmine dans la corruption
de soi. Dans la perspective des travaux de Célestin